1965

Everett Klippert : un combat pour la justice

Le 16 août 1965, la GRC de Pine Point arrête M. Everett George Klippert, un aide-mécanicien à la mine de plomb et de zinc de Pine Point, pour l’interroger sur un incendie criminel qui s’est déclaré dans la collectivité. La police sait que M. Klippert est homosexuel, ce qui, à l’époque, constitue une infraction criminelle au Canada. Bien que la police établisse que M. Klippert n’a rien à voir avec l’incendie criminel, l’interrogatoire dure de longues heures, ce qui permet à la police d’en apprendre davantage sur sa vie sexuelle. La GRC décide alors d’accuser M. Klippert de grossière indécence en vertu de l’article 149 du Code criminel. Cela va avoir d’importantes répercussions sur les droits de la personne au Canada.

Le juge John H. Sissons, qui siège à la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest, entend les accusations et déclare M. Klippert coupable; il adopte d’ailleurs une position inhabituellement dure en qualifiant l’accusé de délinquant sexuel dangereux et le condamne à la « détention préventive », ce qui signifie que M. Klippert risque de passer le reste de sa vie en prison simplement parce qu’il est homosexuel.

Beaucoup de gens considèrent que cette condamnation est cruelle et inhabituelle, et la sœur de M. Klippert, Leah, fait appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada. La Cour rejette l’appel dans une décision controversée de trois voix pour et deux voix contre, ce qui incite Pierre Elliot Trudeau, alors ministre de la Justice, à déclarer, dans une mêlée de presse à l’extérieur de la Chambre des communes, le 21 décembre 1967 :

« Prenez le cas de l’homosexualité; je pense que l’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation et que ce qui se passe entre deux adultes consentants en privé ne relève pas du Code criminel. Lorsque cela devient public, c’est une autre affaire… »

Entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, de longs débats font rage sur la décriminalisation de l’homosexualité. Bud Orange, le député des Territoires du Nord-Ouest, prend la défense de M. Klippert. Les Canadiens envoient des centaines de lettres en réponse à sa condamnation; certaines lui sont favorables, mais beaucoup sont injurieuses et menaçantes. L’affaire Klippert est analysée de nombreuses fois au fil des ans; les spécialistes affirment qu’il n’avait rien d’un délinquant sexuel dangereux, que ses relations sexuelles n’étaient pas abusives et que ses partenaires sexuels étaient toujours des adultes consentants.

C’est principalement grâce à la publicité et aux débats entourant des affaires comme celle de M. Klippert que le Code criminel est finalement modifié en 1969. Malgré cela, Everett George Klippert n’est libéré du pénitencier à sécurité maximale de Prince Albert qu’au cours de l’année 1971, après avoir purgé près de cinq ans de prison pour son orientation sexuelle. Il décède en 1996 à l’âge de 70 ans. Ce n’est qu’en 2020 que son casier judiciaire est supprimé par le gouvernement du Canada.