Inuvialuit

La légende du Grand déluge 

Une légende ingilraani raconte l’histoire d’un grand déluge qui a renouvelé la terre. Plusieurs versions de cette histoire ont été consignées. Les principaux acteurs de la plupart de ces récits sont un homme et sa femme, leur fils, souvent caractérisé comme étant l’esprit d’un corbeau, et une orpheline. La présente version du récit du déluge est racontée par Kenneth Peeloolook. 

Les premiers Inuits 

Il était une fois une famille heureuse. Un matin, l’homme regarde au loin et voit une forme noire s’élever à l’horizon. Il n’avait jamais rien vu d’aussi sombre et menaçant de toute sa vie. Son regard se pose sur la terre : le sol se couvre de noir sous ses yeux. Il se met à avoir peur, devinant qu’il s’agissait d’un signe ou d’un avertissement. Il scrute le ciel à nouveau pour voir si son esprit ne lui jouait pas des tours, mais le signe est de plus en plus clair. Il avait bravé de nombreuses inondations au cours de sa vie, mais n’avait jamais vu le ciel raconter des histoires d’une telle noirceur.

Il va voir sa femme et lui explique ce qu’il a vu. La femme lui dit que c’était en effet un signe les invitant à se préparer à une inondation d’une ampleur inégalée. À en croire ce signe, le danger les accompagnerait pendant longtemps. Le couple commence alors à rassembler tous les matériaux nécessaires pour construire un radeau solide qui les aiderait à traverser la période la plus difficile de leur vie.

L’homme savait qu’il devait continuer à travailler même s’il était fatigué. Il demande à d’autres de l’aider, mais ils se sont contentés de rire, lui disant qu’il s’alarmait pour des incertitudes : en effet, comment cela pouvait-il arriver si ce n’était jamais arrivé auparavant? De plus, pourquoi fabriquer un radeau aussi énorme, et sur la terre ferme par-dessus le marché? C’était vraiment stupide et inutile. Pourquoi faire cas de quelque chose d’insignifiant alors que tout le monde était si bien loti? L’homme se retrouve alors seul à travailler. Seule une jeune orpheline a voulu l’aider.

… Puis la pluie s’est déchaînée, et les nuages noirs ont recouvert le ciel et assombri la terre. Il a tellement plu que la terre disparaissait peu à peu. Ceux qui avaient fait fi de l’avertissement criaient à l’aide, mais il était trop tard…

[Dans certaines versions de cette histoire, le fils est allé explorer les alentours en kayak. Il a aperçu le sommet d’un pingo s’élevant au-dessus de l’eau, et l’a transpercé avec son harpon pour faire reculer l’eau].

Kenneth Peeloolook conclut son histoire :

Le radeau voguait paisiblement et le groupe attendait le moment où il pourrait retourner sur la terre. Quand ils se sont sentis en sécurité, ils ont établi un campement et entamé une vie régie par des lois bienveillantes. L’orpheline et le fils du chasseur se sont établis ensemble et ont eu des enfants peu de temps après. On dit que c’est à partir de là que les [Inuits] ont commencé à avoir des enfants, et que le nombre d’enfants a augmenté d’année en année.

Le mari et la femme ont appris aux jeunes gens comment vivre et bâtir un peuple fort et sain.

Kenneth Peeloolook, The Beginning of the Eskimo People (Les premiers Eskimos) (Comité d’étude des droits autochtones/Archives TNO/N-1992-253)