1968

La communauté métisse de School Draw

Dans les années 1940 et 1950, Yellowknife est une ville très prisée des gens du Nord qui cherchent à travailler dans les mines d’or. De nombreux Métis commencent à s’y installer pour profiter de ces occasions de travail. Des familles de Métis, de Dénés et de colons s’installent sur la rive de la baie de Yellowknife dans un secteur aujourd’hui connu sous le nom d’avenue School Draw, du nom de l’école publique située dans un petit ravin (« draw » en anglais) de 1940 à 1947. Ces familles achètent les maisons du secteur ou construisent la leur au milieu des rochers et des arbres situés près du rivage. Ils résident ainsi nichés entre deux grands sites miniers au sud (les mines Con et Negus) et un grand site minier au nord (la mine Giant). Les enfants de Yellowknife fréquentent l’école locale qui surplombe le lac. La communauté de School Draw se développe à proximité de cette dernière, de bons sites de pêche et de nombreux buissons de baies.

Lorsque Yellowknife est déclarée capitale territoriale en 1967, le quartier de School Draw est menacé. En effet, les nouveaux employés du gouvernement ont besoin de logements, et les colons non autochtones souhaitent s’installer sur le rivage, le lac et les îles. Le secteur de School Draw n’avait alors jamais été arpenté, et on ne sait pas s’il appartient à la Couronne, à la ville ou au territoire, et les maisons construites avec des jardins et des clôtures et les titres autochtones préexistants ne sont, eux, même pas pris en compte dans ces discussions. En 1967, la ville prend des mesures en amont de tout accord et trace les routes, endommageant ce faisant les propriétés. Des canalisations d’eau et d’égout sont installées pour permettre la construction de 45 logements pour les fonctionnaires. En juillet 1968, les résidents de School Draw se réunissent pour parler de leurs préoccupations lorsqu’il devient évident que les planificateurs de l’aménagement des terres qui travaillent pour la ville de Yellowknife n’ont pas l’intention de prendre leurs intérêts en compte.

En août 1968, la ville fait finalement une proposition à ses résidents, qui ont le choix entre trois options : la première consiste à racheter le terrain sur lequel ils habitent actuellement et à y construire une nouvelle maison, conforme aux règlements de la ville, notamment en matière de raccordement à l’eau et aux égouts; la deuxième consiste en ce que les résidents quittent leur domicile, auquel cas la ville rachètera les terrains pour les vendre à d’autres résidents qui, eux, construiront une maison aux normes. Si les résidents choisissent de partir, la ville leur fournira un logement social dont le loyer est adapté à leurs revenus. Enfin, la troisième option consiste à faire déplacer leur maison, aux frais de la ville, vers un autre terrain sur School Draw, dans un endroit qui ne va pas être arpenté. La ville fixe le prix du terrain à 3 100 $; les résidents ont alors dix jours pour décider de ce qu’ils vont faire.

Plusieurs d’entre eux sont choqués d’apprendre que leurs maisons vont être soit démolies, soit déplacées s’ils ne dépensent pas 3 100 $ pour acheter le terrain. Pour beaucoup, cela est injuste et un groupe de personnes engage un avocat d’Edmonton. Ce dernier découvre que de nombreux résidents de School Draw ont, à plusieurs reprises, tenté d’acheter leurs parcelles, mais que la ville a refusé de leur vendre. L’avocat découvre également que, les années précédentes, d’autres lots ont été vendus au prix de 500 $ (certains ont même été vendus au prix de 75 $ chacun), faisant des 3 100 $ demandés une augmentation importante. Avec l’aide de leur avocat, les résidents négocient avec la ville et s’accordent sur un prix plus équitable de 500 $ par terrain. Michel Sikyea, un Déné célèbre pour son canard à un million de dollars et la bataille juridique connexe sur les droits de chasse des Autochtones, fait valoir ses « droits inaliénables sur ces terres; je suis arrivé ici avant tout homme blanc ».

Les Métis sont convaincus que leurs familles sont visées par l’expulsion et s’inquiètent du refus d’arpenter les lots existants. Leur déménagement, loin du quartier dans lequel ils avaient habité pendant de longues années, a bouleversé la communauté métisse, qui a dû lutter sans relâche pour survivre.

Finalement, 45 maisons sont construites pour les employés du gouvernement, et l’avenue School Draw est aujourd’hui un important quartier de Yellowknife.