1955

Changer un système scolaire

Le 1er avril 1955, le ministère fédéral du Nord canadien et des Ressources nationales met en place un système d’administration scolaire unifié aux Territoires du Nord-Ouest. Avant cette date, la responsabilité des élèves inuits, dénés, métis et non autochtones relevait de divers ministères fédéraux. Le changement effectué en 1955 élimine en partie la ségrégation raciale administrative qui rendait la gestion de l’éducation ténoise si difficile. Les externats et les pensionnats catholiques et anglicans, les écoles des sociétés minières, les écoles de la Division des affaires indiennes, les écoles du Conseil des Territoires du Nord-Ouest et les écoles locales gérées par les conseils scolaires sont regroupés et chapeautés par le gouvernement fédéral, et tous les enseignants deviennent des employés du gouvernement fédéral. Au cours de l’année scolaire 1954-1955, 2 067 élèves répartis dans 76 salles de classe sont supervisés par 92 enseignants aux TNO.

Le gouvernement fédéral établit des normes minimales visant les enseignants, alignées sur celles des provinces du sud du Canada, et de nombreux enseignants du Nord se retrouvent ainsi sous-qualifiés et perdent leur emploi. Une campagne de recrutement d’enseignants est lancée à l’échelle du Canada, et des enseignants non autochtones du sud du pays viennent s’installer dans le Nord pour occuper nombre de ces postes.

Au milieu des années 1950, de nombreux pensionnats administrés par les églises du Nord sont presque en ruines. Le système avait reçu un financement fédéral minimal pendant des années, et les bâtiments étaient vieux et délabrés. Lorsque le gouvernement fédéral reprend la responsabilité des pensionnats, il lance immédiatement un programme d’expansion et de remplacement. Un plan quinquennal est mis en œuvre, qui voit la fermeture de ces vieilles écoles et résidences gérées par l’église.

À la place des anciennes écoles, de grandes écoles modernes se dressent peu à peu à Inuvik, Fort McPherson, Fort Simpson, Fort Smith et Yellowknife. Ces écoles régionales sont destinées à accueillir les élèves de la collectivité et ceux des petites collectivités plus éloignées. On commence à bâtir de grandes résidences à côté des externats afin de loger ces élèves de l’extérieur de la ville.

Ces grandes résidences sont appelées « halls » en anglais, un terme que les planificateurs considèrent comme plus convivial. Durant la seconde moitié des années 1950 et au début des années 1960, le gouvernement canadien construit le Fleming Hall à Fort McPherson, le Bompas Hall et le Lapointe Hall à Fort Simpson, le Breynat Hall à Fort Smith, le Grollier Hall et le Stringer Hall à Inuvik, et l’Akaitcho Hall à Yellowknife.

Si les nouvelles écoles sont gérées par le gouvernement fédéral, les résidences associées sont aux mains des églises catholique romaine et anglicane, à l’exception de l’Akaitcho Hall à Yellowknife. Une entente conclue avec les ecclésiastiques permet de maintenir l’enseignement religieux dans les écoles tout en permettant au gouvernement canadien de jouer le rôle d’administrateur distant. Étant donné que le gouvernement fédéral ne construit pas d’écoles dans toutes les collectivités ténoises et qu’il exige des familles vivant sur le territoire qu’elles envoient leurs enfants au pensionnat, le Canada continue de perpétuer les mêmes injustices que les systèmes gérés par les églises. Le nouveau système de pensionnats administré par le gouvernement fédéral brise encore et toujours les familles et cause des pertes et des souffrances sur le plan culturel pour des générations entières d’enfants. Le régime des pensionnats de l’après-1955 est censé cerner et rectifier les lacunes du régime de l’avant-1955. Or, il remplace tout bonnement les anciens problèmes par des nouveaux et « laisse derrière lui un triste bilan de négligence et d’abus ».