1974

La Commission Berger

La décision du juge Morrow concernant l’affaire Paulette établit que les Dénés ont un droit légal sur les terres des TNO.

En moins d’un an, la majorité des collectivités le long du Dehcho reconnaissent cet important changement. Le développement des ressources n’aurait désormais plus lieu sans la consultation des intervenants autochtones.

L’exploitation des ressources pétrolières et gazières mène logiquement à la construction d’un pipeline le long de la vallée du Mackenzie, car il faut transporter ce produit de base dans le sud. Ce nouveau pipeline devient le plus grand projet à être réalisé dans le Nord depuis la construction du pipeline Canol, construit 30 ans auparavant.

Le gouvernement fédéral, dirigé par Pierre Trudeau, offre à l’époque des mesures d’encouragement pour l’exploration pétrolière et gazière dans la mer de Beaufort. Les compagnies comme Dome Petroleum, Esso, Shell et Petro-Canada explorent les environs pour trouver des ressources énergétiques à extraire. Plus les demandes d’autorisation pour construire un pipeline augmentent, plus il devient nécessaire de consulter les populations touchées. Les voix des membres du Comité d’étude des droits des autochtones et de la Fraternité des Indiens se font de plus en plus entendre, ce qui montre que ces derniers se préparent activement à défendre et à protéger les droits autochtones contre les entrepreneurs de l’extérieur.

En 1974, le juge Thomas Berger vient dans le Nord pour étudier les répercussions sociales, environnementales et économiques qu’aurait la construction d’un pipeline sur les habitants de la vallée du Mackenzie, les Dénés, les Métis, les Inuvialuits et les non-Autochtones. Le juge Berger consulte directement les personnes qui seraient le plus touchées par la construction du pipeline. Il fait bien plus que présider les consultations; il insiste pour que les réunions soient retransmises à la radio locale en langue autochtone. Grâce à sa persistance, un noyau d’interprètes est formé et peut communiquer dans la langue maternelle des résidents les informations relatives à l’enquête lors des audiences communautaires.

Le chef Frank T’Seleie parle au nom du peuple déné de Fort Good Hope devant la commission d’enquête. Son message est clair au consortium pétrolier : « Nous vous demandons maintenant, comme nous vous l’avons demandé auparavant, de nous laisser vivre nos vies sur nos propres terres à notre façon sans avoir peur encore et encore d’être envahi et de disparaître. Nous refusons d’avoir à nous battre indéfiniment seulement pour assurer la survie de notre peuple, ajoute-t-il. M. Berger, aucun pipeline ne sera construit. »

Le juge Berger écoute le chef T’Seleie et des personnes de 35 collectivités du Nord. À Old Crow, une collectivité de 250 personnes, 81 d’entre elles viennent lui parler. L’enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie prend fin en 1977. Le juge Berger publie un rapport final sur le sujet (de plus de 500 pages, et de 40 000 pages de texte et de témoignages comprenant 283 volumes) intitulé : Le Nord terre lointaine, terre ancestrale – Rapport de l’enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie, aussi connu sous le nom de « rapport Berger ». Le rapport recommande un moratoire de dix ans sur la construction d’un pipeline. Ce moratoire vise à permettre de régler les revendications territoriales dans les régions qui seraient touchées par la construction et l’utilisation du pipeline. L’enquête détermine que les Dénés, les Inuvialuits, les Chipewyans et les Inuits font partie intégrante de l’identité canadienne et reconnait le droit des Autochtones d’être consultés si un projet de développement a lieu sur leurs terres. C’est le début de la nouvelle ère des revendications territoriales et des négociations de traités.